Revue vaudoise de généalogie et d'histoire des familles 2015
Trajectoires d'architectes vaudois. Douze carrières de constructeurs des XIXe et XXe siècles.
Sommaire
ROCHAT, Loïc, Éditorial
LÜTHI, Dave, Avant-propos : Un panorama de trajectoires, un microcosme représentatif.
CURCHOD, Guillaume, Charles-François BONJOUR : profil d’un architecte polymorphe de la Belle Époque.
- GRANGE DÉVAUD, Elsa, Le contexte d’un monopole : Edouard et Charles Borel, architectes à Bex.
- TOSCAN, Sophie, Architecte, archéologue cantonal et syndic de Payerne : Louis Bosset.
- CHAPALAY, Justine, Burnat & Nicati : trajectoires de deux familles d’architectes associés.
- NYDEGGER, Gaëlle, Horace Decoppet (1894-1975) : architecte, entrepreneur et promoteur à Yverdon.
- BACONNIER. Céline, Un long fleuve tranquille ? Louis Dumas (1890-1973), architecte montreusien de l’entre-deux-guerres.
- JEANDREVIN, Aline, Gustave, Jean et Alfred Falconnier, architectes et ingénieurs à Nyon.
- PANDAZIS, Iréna, John Gros, itinéraire d’un homme maladroit et ambitieux.
- DESARZENS, Noémie, Francis Isoz, acteur du développement urbain lausannois et figure publique notoire.
- ALLARD, Céline, Verrey & Heydel : un grand bureau lausannois.
- GRANDJEAN, Clément, Louis Villard : l’architecture de père en fils.
Nos invités :
- FAVRE, Gaëlle, Alice Biro (-Ascher), une femme architecte zurichoise formée en Suisse romande.
Editorial
LoïcRochat
Ce deuxième numéro thématique de la Revue vaudoise de généalogie et d’histoire des familles est consacré aux trajectoires d’architectes vaudois, au total douze maîtres d’œuvre sont présentés ici. Il s’agit d’une démarche s’inscrivant dans l’étude de l’individu et de son réseau social, une thématique qui entre parfaitement dans notre champ d’activité et nos intérêts (cf. pp. 4 et 6) mais qui n’avait pas encore été abordée en tant que tel. En effet, au-delà de la filiation des gènes familiaux et hors de l’arbre de parenté, le généalogiste s’intéresse également à l’individu et à ses ramifications sociales, professionnelles ou encore associatives. Il observe l’homme au centre de sa toile et en reconstitue l’interaction, les succès et les échecs. C’est ce qui vous est ici présenté par le biais de ces douze architectes qui ne manqueront pas de vous captiver.
Les dix premiers ont été étudiés dans le cadre d’un séminaire de la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne sous la conduite de M. Dave Lüthi, professeur en Section d’histoire de l’art ; et les deux suivants ont été le sujet de deux mémoires de Master distincts.
Chaque architecte étudié dans ce numéro a été passé au microscope. Au delà de leur production architecturale, les auteurs se sont intéressés à leurs formations, leurs relations professionnelles, à leur vie associative, politique, et familiale. Le résultat permet de brosser avec succès un portrait captivant en douze facettes des destinées et carrières de constructeurs. Ce vaste panorama est mis en abîme par M. Dave Lüthi qui signe naturellement l’avant-propos et oriente le lecteur sur les objectifs scientifiques et la méthode de recherche employée.
Dans une première phase, nous avons le plaisir de présenter ici les dix contributions réalisées dans le cadre du séminaire universitaire dont nous bénéficions des résultats.
Dans l’ordre alphabétique, la première des contributions s’intéresse à Charles-François Bonjour. Guillaume Curchod retrace le parcours de cet architecte lausannois méconnu qui mène d’abord une carrière dans la campagne vaudoise où il construit de nombreux temples et collèges. Il participe ensuite au façonnement de la ville de Lausanne en édifiant, avec un associé, pléthore d’hôtels et d’immeubles locatifs. Outre ses constructions, il laisse derrière lui un texte fondamental sur l’architecture religieuse et une autobiographie.
Elsa Grange Dévaud se demande comment, par leurs activités, leurs actions et les relations qu’ils entretiennent avec leur communauté, Edouard et Charles Borel parviennent à asseoir durablement leur activité d’architectes à Bex. Si le phénomène des dynasties d’architectes s’observe généralement en milieu urbain, il est intéressant de voir comment des architectes de campagne parviennent eux aussi à transmettre leur savoir-faire de génération en génération et quelles peuvent être les conséquences de cette transmission sur l’évolution respective de leur carrière professionnelle.
Sophie Toscan analyse le fonds d'archives de Louis Bosset, architecte, politicien et archéologue à Payerne entre 1903 et 1950. Elle observe les relations entre les réalisations architecturales et les diverses associations professionnelles, familiales, politiques, et associatives du personnage, afin de saisir son rapport à la clientèle. Afin d'étudier le style de l'artiste, un corpus a été délimité (Payerne et alentours), ce qui permet de retracer l'évolution d'une architecture typée régionale vers des formes plus modernes.
Justine Chapalay retrace l’histoire du bureau Burnat & Nicati en s’intéressant aux principaux acteurs de son succès et à son abondante production qui permet de mettre en lumière l’importance que peut prendre la transmission familiale dans le métier d’architecte. Le portrait détaillé d’Ernest Burnat, révèle un architecte aux multiples facettes, qui, à l’instar de ses associés et successeurs, se consacre aussi bien à sa carrière professionnelle, à sa vie familiale et à ses loisirs, qu’à ses engagements associatifs et politiques.
Gaëlle Nydegger se penche sur la personnalité d’Horace Decoppet – qui était-il, quelle était sa famille, son entreprise, ainsi que son lien avec la ville d’Yverdon – afin d’aborder ses constructions. Six de ces dernières font partie d’un corpus établit par André Rouyer sous le nom d’ « architecture cubique des années 30 à Yverdon ». Decoppet, a réalisé la majorité des édifices de ce corpus et semble précurseur de cette architecture à Yverdon. C’est pourquoi il semble pertinent de l’étudier afin de comprendre l’émergence de cette architecture qui peut surprendre par sa modernité. D’ou provient cette innovation – de l’architecte ? Du client ? – et comment est-elle rendue possible, voilà les questionnements qui sont au cœur de cet article.
Céline Baconnier porte son attention sur la vie et la carrière de Louis Dumas, architecte à Clarens entre les années 1920 et 1960. Elle s’intéresse à la famille et à la formation de M. Dumas ainsi qu’au contexte de la région de Montreux dans lequel il évolue. Elle présente ensuite la carrière de l’architecte en se focalisant notamment sur le corpus de ses nombreuses réalisations dans la région et leur identité stylistique. Ces éléments lui permettent finalement d’analyser la clientèle de Louis Dumas, représentative de la situation socio-économique du Cercle de Montreux à l’époque.
Aline Jeandrevin étudie la dynastie d’architectes et d’ingénieurs Falconnier, originaire de Nyon. Son article se développe à partir de la figure centrale de Gustave Falconnier tout à la fois architecte issu des Beaux-Arts à Paris et homme public respecté. Il se distingue de surcroît par sa qualité d’inventeur qui lui confère une renommée tant nationale qu’internationale. Puis, son fils Jean formé au Polytechnicum de Zurich reprend le cabinet de son père et construit intensivement dans tout le district de Nyon. Ensuite, son propre fils Alfred devient un ingénieur éminent, spécialisé dans les barrages. La dynastie Falconnier s’éteint avec le décès de celui-ci en 1995.
Iréna Pandazis rend compte de la vie, tumultueuse et peu connue de John Gros, architecte lausannois d’origine genevoise qui, bien que maladroit, a tout de même construit plus de 40 bâtiments entre 1894 et 1912. En plus de son travail d’architecte, il fut un grand investisseur adepte de la spéculation immobilière. L’arrivée de la guerre l’endette jusqu’au coup. Cette recherche a pu se baser entre autres sur un document peu habituel : un bénéfice d’inventaire.
Noémie Desarzens a porté son attention sur l’importance de Francis Isoz dans le paysage urbain lausannois au tournant du XXe siècle. Afin de comprendre l’assise d’Isoz dans la capitale vaudoise, elle s’est intéressée au contexte social, économique et politique ainsi qu’au déploiement social d’Isoz, notamment avec la famille Mercier-Marcel. Comprendre la trajectoire de cet architecte révèle le développement urbanistique de Lausanne.
Le dernier article de cette série est consacré au duo Henri Verrey et Alfred Heydel. Cette étude permet d’appréhender la vie de deux architectes travaillant à Lausanne dont l'un d'eux était quasiment inconnu. La découverte d'un fonds d'archives riche et varié, dont une partie a été étudiée pour la première fois pour cet article, permet de recueillir des informations précises sur l'histoire du contexte social des architectes en Suisse romande et à Lausanne au début du XXe siècle.
En sus des dix premières contributions, Clément Grandjean nous offre le résumé des découvertes de sa recherche de fond sur Louis Villard. En effet, dans le cadre de son mémoire de master, il retrace le parcours de l’architecte vaudois entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle. Après des recherches biographiques, la comparaison avec d’autres architectes contemporains de Suisse romande lui ont permis de dégager aussi bien les particularités de la carrière de Louis Villard que ses aspects conventionnels. Il apparaît ainsi que le personnage est l’un des rares architectes de sa génération à ne compter aucun architecte parmi ses parents proches. Les recherches de Clément Grandjean montrent que Louis Villard compense ce manque de références familiales en se construisant un important réseau social à travers ses engagements politiques et professionnels. Et qu’il est ensuite lui-même le fondateur d’une vraie dynastie d’architectes.
Seule et unique invitée de ce numéro, Gaëlle Favre nous présente son analyse de la vie et de l’architecture d’Alice Biro, femme architecte, qui a exercé son métier durant la seconde moitié du XXe siècle. Son étude présente le parcours d’une femme dans un domaine à prédominance masculine. L’auteur démontre notamment qu’Alice Biro, architecte formée à Lausanne, adapte l’architecture organique dans la région zurichoise, un mouvement architectural développé notamment par l’architecte dessinateur urbaniste et designer finlandais Alvar Aalto (1898-1976).
Les comptes-rendus de lecture font le point sur quelques titres récemment parus et vous présente les numéros de la revue A suivre… qui s’est intéressée aux carrières d’architectes vaudois tout récemment. Nous remercions la Section vaudoise de Patrimoine suisse pour son intérêt et son soutien financier à l’occasion de la publication de ce numéro de notre revue.
Les auteurs
Dave Lüthi, né en 1975 à La Chaux-de-Fonds, est docteur de l’Université de Lausanne. Professeur associé à la section d’histoire de l’art de cette université, il se consacre en particulier à l’étude du patrimoine bâti et mobilier suisse. Dans ce cadre, il a publié plusieurs études sur des architectes vaudois, notamment Eugène Jost et Henri Verrey, et plus généralement sur l’histoire de cette profession en Suisse romande. Membre de la Commission fédérale des Monuments historiques, il s’intéresse aussi à l’histoire de la conservation et de la restauration du patrimoine aux XIXe et XXe siècles.
Guillaume Curchod, né en 1990 à Lausanne, termine un travail de mémoire consacré à Charles-François Bonjour (1870-1961) : carrière d’un architecte régionaliste et son bureau lausannois à la Belle Époque. Dans le cadre de sa spécialisation en histoire de l’art régional, il traite de sujets touchant à la restauration du patrimoine bâti (églises), à l’architecture scolaire et aux parcs et jardins historiques lausannois.
Elsa Grange Dévaud, née en 1990 à Châtel-Saint-Denis, mène la majeure partie de ses études en France où elle obtient un DUT (Diplôme universitaire de technologie) en Techniques de commercialisation à l’Université Claude Bernard, Lyon 1 avant d’entamer son cursus universitaire en histoire de l’art. D’abord étudiante à l’Université de Lille 3, elle obtient sa licence en histoire de l’art à l’Université de Franche-Comté en 2013 avant de rejoindre l’Université de Lausanne où elle prépare actuellement son mémoire de maîtrise.
Sophie Toscan, née en 1992 à Lausanne, a obtenu son Bachelor ès lettres en août 2014. Elle a suivi un cursus académique en histoire de l’art et en anglais, complété par des cours en histoire et esthétique du cinéma dès 2011. En 2014, elle participe à l’ouvrage Lausanne – Parcs et jardins publics sous la direction de Dave Lüthi. Elle prépare une maîtrise ès lettres en histoire de l’art et en anglais.
Justine Chapalay, née à Lausanne en 1985, poursuit actuellement son master en histoire de l’art et anglais à l’Université de Lausanne. Attentive à la place occupée par les femmes dans la production artistique et littéraire des xixe et xxe siècles, elle s’est notamment intéressée pendant son cursus à la figure de Marguerite Burnat-Provins et à l’émergence du mouvement Heimatschutz en Suisse. En 2014, elle a effectué un stage de plusieurs mois au département des expositions du Musée de l’Élysée à Lausanne dans le but de se familiariser avec le métier de conservatrice auquel elle se destine.
Gaëlle Nydegger, née en 1991, obtient son Bachelor en histoire de l’art, histoire du cinéma et histoire à l’UNIL en 2014. Elle poursuit actuellement son cursus en master dans la même université en histoire de l’art et histoire. Se spécialisant dans la filiale Architecture & Patrimoine, la question de l’art régional en Suisse est l’axe principal de ses questionnements de master.
Céline Baconnier, née en 1988 à Lausanne, suit des cours de maîtrise en lettres à l’Université de Lausanne. Elle a commencé un cursus académique en histoire de l’art et histoire avec un programme à options en 2011. Elle prépare actuellement son mémoire de maîtrise en histoire de l’art sur le thème de la novelty architecture américaine des xxe et xxie siècles comme vitrine publicitaire aux États-Unis.
Aline Jeandrevin, née en 1979 à Bienne, est actuellement mémorante en histoire de l’art, spécialisation en histoire de l’art régional, à l’Université de Lausanne.
Iréna Pandazis, née en 1990 à Epalinges, obtient en janvier 2013 un Bachelor en histoire de l’art, français moderne et latin à l’Université de Lausanne. Après avoir travaillé à l’étranger dans l’enseignement, elle poursuit actuellement un master en histoire de l’art et français moderne dans la même université.
Noémie Desarzens, née en 1991 à Lausanne, obtient son Bachelor ès Lettres en histoire de l’art, anglais et cinéma à l’Université de Lausanne en janvier 2014. Elle poursuit actuellement son master en anglais et histoire de l’art avec une spécialisation en dramaturgie. Elle va rédiger son mémoire de maîtrise en anglais sur la littérature amérindienne contemporaine, dont elle doit encore définir le corpus.
Céline Allard, née en 1988 à Paris, effectue actuellement un master en muséologie à l’Université de Neuchâtel, tout en continuant à suivre des cours d’histoire de l’art à l’Université de Lausanne. Elle a obtenu un Bachelor en histoire de l’art et études slaves à l’Université de Lausanne en 2012.
Clément Grandjean, né en 1988 à Genève, a obtenu son Master ès lettres en histoire à l’Université de Lausanne en 2013. Il a suivi un cursus académique en histoire et histoire de l’art, deux branches entre lesquelles il a voulu bâtir un pont à l’occasion de son mémoire de Master, intitulé L’architecte : métier et insertion sociale. Louis Villard (1856-1937), acteur du développement de Montreux, réalisé sous la direction de François Vallotton et de Dave Lüthi. Depuis 2013, il perfectionne son écriture journalistique en tant que rédacteur pour l’hebdomadaire romand Terre&Nature. Ce qui ne l’empêche pas de revenir aussi souvent que possible à des recherches académiques sur l’histoire de l’architecture.
Gaëlle Favre, née à Lausanne en 1986, est titulaire d’une maîtrise ès lettres en histoire de l’art, avec spécialisation en histoire de l’art régional. Après ses études, elle travaille comme stagiaire rédactrice à l’office cantonal d’orientation scolaire et professionnelle à Lausanne, puis comme spécialiste en information documentaire au CSFO à Berne. En parallèle à sa vie professionnelle, elle est engagée comme archiviste auprès d’une commune vaudoise et a été stagiaire à la Villa Le Lac à Corseaux, une maison conçue par Le Corbusier.